Rapport de stage
Sandro Demay – DNSEP 4e année
École Supérieure d’Art | Dunkerque-Tourcoing
Stage du 16 janvier au 3 février 2025
Auprès de l’artiste Miguel Miceli
Institution d’accueil : Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains
Poste occupé : Premier assistant caméra
Projet : HULUM (documentaire tourné à Almería, Espagne)
Remerciements
Je tiens à remercier Miguel Miceli pour sa confiance et son exigence, ainsi que l’équipe du Fresnoy pour l’opportunité de participer à un projet de cette envergure. Je remercie également chaque membre de l’équipe du film pour la qualité des échanges, l’esprit collectif, et l’écoute qu’ils ont pu m’apporter.
Introduction
Ce stage, réalisé dans le cadre de ma quatrième année de DNSEP, s’ inscrit dans une volonté de confronter ma pratique artistique à un terrain concret : celui de la production documentaire engagée. Intégré à l’équipe du film HULUM, j’ai participé à un projet tourné dans le sud de l’Espagne, à Almería, paysage emblématique de la mutation des territoires, d’enjeux sociaux et des tensions socio-écologiques.
Cette immersion m’a permis de prendre part à toutes les étapes du tournage – de la préparation à la captation – en occupant la fonction de premier assistant caméra.
Le Fresnoy
Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains est une structure singulière, à la croisée des pratiques artistiques, scientifiques et technologiques. Il offre à de jeunes artistes l’opportunité de développer des œuvres ambitieuses, en dialogue avec des moyens de production professionnels et un écosystème intellectuel stimulant.
Présentation de l’équipe
• Miguel Miceli, mon maître de stage et le réalisateur du projet, est en première année au Fresnoy. Artiste plasticien, sa pratique s’articule autour de la mutation du paysage, à la croisée du sublime technologique, de l’occulte et de l’écologie. Marqué par une enfance passée entre un site archéologique en Sicile et Bruxelles, la cohabitation avec les ruines et le transnationalisme l’ont mené à explorer la manière dont différentes temporalités se superposent dans un paysage, témoignant du façonnement humain. Tissant des liens entre traditions ancestrales et défis contemporains, il détourne le regard anthropocentrique à travers des narrations spéculatives et des installations évolutives. Il travaille souvent à la lisière des territoires, à la recherche d’éléments porteurs de mémoires personnelles et collectives. À travers sa pratique, il questionne des dualismes coloniaux entre nature et culture, sujet et objet, rêve et réalité, en mettant l’accent sur des êtres non humains et des éléments inanimés.
• Syd Reynal, maître de conférences en épistémologie et artiste-chercheur, a conduit les entretiens avec les travailleurs agricoles. Sa présence a enrichi le projet par une articulation rigoureuse entre pratiques artistiques et savoirs critiques, en particulier autour des technologies et de la condition postcoloniale.
• Neal Haddaway, photographe et chercheur en environnement, a accompagné le tournage sur le terrain. Son expertise sur les enjeux écologiques locaux a permis d’élargir la lecture du territoire. Il a aussi offert un regard complémentaire, plus instinctif, sur les lieux et les corps filmés.
• Sarah Williams, notre fixeuse, fut un maillon essentiel du dispositif. Grâce à ses liens établis avec des travailleurs migrants dans la région de San Isidro de Níjar, elle a facilité des rencontres précieuses, dans un contexte de méfiance et d’instabilité.
Rôle et missions
En tant que premier assistant caméra, mes tâches ont été les suivantes :
• Vérification et préparation du matériel chaque jour (caméra Blackmagic Pocket 4K, optiques, moniteurs, batteries, accessoires) ;
• Installation et démontage des dispositifs de tournage ;
• Réglages techniques (balance des blancs, mise au point, exposition) ;
• Suivi de focus en temps réel ;
• Participation aux repérages de lieux ;
• Photographies de plateau à des fins documentaires ;
• Prises de son.
Approche du territoire
Le tournage s’est construit dans une dynamique de réécriture constante. Chaque rencontre, chaque lieu visité, réorientait légèrement la trajectoire du film. Nous avons parcouru plusieurs zones du territoire : la plateforme solaire d’Almería, les ruines de San Diego, l’association SJM, Service Jésuite des migrants. Grâce à Sarah, nous avons pu, progressivement, nous rapprocher d’un groupe de travailleurs migrants. Ils nous ont raconté leur quotidien, leurs histoires, autour de repas très conviviaux. Ces moments, souvent fragiles et puissants, ont profondément bousculé mes repères. L’image ne pouvait être ici qu’un outil d’écoute, jamais un outil de captation unilatérale. Il fallait constamment interroger notre présence, nos intentions, notre regard.
Enjeux et apports
Ce stage m’a confronté à une pratique de terrain où l’engagement artistique ne se pense pas en surplomb, mais en cohabitation avec le réel. L’exigence technique y est indissociable d’une exigence éthique : comment faire récit d’une parole sans l’instrumentaliser ? Comment représenter une forme de justesse, au fil des nombreuses réécritures que traverse un film ?
Sur le plan pratique, j’ai consolidé mes connaissances en prise de vue, logistique de tournage, et gestion d’équipe. Mais surtout, j’ai pris conscience de la complexité d’un projet collectif, et de la nécessité de faire preuve de souplesse, de responsabilité et de sensibilité dans des contextes instables.
Conclusion
Cette expérience a été un moment décisif dans mon parcours. Elle a renforcé mon désir de poursuivre une pratique où l’image est à la fois médium d’expérimentation plastique et outil de confrontation au monde.
Le tournage de HULUM n’a pas été une simple immersion technique : il fut une traversée, sensible et humaine, qui laisse des traces durables dans ma manière d’habiter les images. Cette expérience a résonné avec ma pratique artistique, centrée sur le lien social, l’échange et la rencontre spontanée. Ce que j’ai vécu là-bas continue d’alimenter mon travail : je fais encore aujourd’hui des liens entre ces moments vécus et ma manière de créer, d’aborder l’autre, et de penser la relation dans l’espace artistique.
Photographies prises sur le tournage du film HULUM de Miguel Miceli, Almería, Espagne, 2025.
© Sandro Demay